Apports de la sophrologie en orthophonie
Revue de littérature sous la forme d’un mémoire, présenté pour l’obtention du Certificat de capacité d’orthophoniste, par Laëtitia Marquilly, et soutenu le 17/06/2019 à l’académie d’Amiens.
Voici ci-dessous un résumé de l’auteur et une reformulation de certains extraits de ce mémoire, consultable dans son intégralité ici.
Résumé (Laëtitia Marquilly)
Favoriser les apprentissages
Résumé (Laëtitia Marquilly)
La sophrologie est une approche psychosensorielle, utilisée dans plusieurs domaines paramédicaux, qui apporte des bénéfices au niveau du bien-être général de la personne.
Ses bénéfices sont multiples : relaxation, augmentation des ressources attentionnelles, amélioration de l’estime de soi, maîtrise de la respiration, abaissement des tensions corporelles, entre autres.
L’orthophonie est une discipline évolutive, qui se nourrit de méthodes et d’apports scientifiques nouveaux, motivée par l’objectif de rééduquer le plus efficacement possible le trouble du langage. Cette mission requiert la prise en compte des multiples aspects que le langage implique : moyen de communication, identité, culture, affectivité, niveau social… Et encore plus précisément, de comprendre les impacts du trouble du langage, pour le patient.
De ce fait, nous nous sommes questionnés sur les pathologies rencontrées en orthophonie qui présenteraient une compatibilité avec les bénéficies sophrologiques. Cette revue de littérature propose donc de mettre en corrélat ces deux disciplines. Ce lien est établi en spécifiant la nature des apports sophrologiques, ainsi que le type de rééducation orthophonique qui leur sont compatibles.
Favoriser les apprentissages
La sophrologie propose des exercices simples, accessibles à des enfants, et imagés pour que ce soit ludique. Ces exercices consistent à focaliser leur attention. L’atmosphère est calme, il n’y a pas d’élément de distraction (TV, téléphone, radio…) qui pourraient disperser leur attention. C’est donc un entraînement pour se concentrer, qui peut être intégré facilement par l’enfant, et s’il est fait régulièrement, peut être transposé lors de ses moments d’apprentissage (en classe, pour les devoirs, pour réaliser une recette de cuisine, etc.).
Les émotions négatives, des obstacles à l’apprentissage
la peur
l’anxiété
le stress
La sophrologie, le stress et les troubles du langage
La sophrologie est surtout centrée sur de nouvelles techniques, impliquant le corps afin d’optimiser l’apprentissage, et, en même temps, aider à la gestion des émotions, celles-ci constituant un frein supplémentaire. La sophrologie propose alors un travail perceptuel de distanciation et de décentration sur les anticipations négatives des évènements afin de faire diminuer le stress généré. Celui-ci étant un facteur altérant les capacités attentionnelles (Ceylan et al., 2012), en lien avec la mémoire de travail et, par la même, les capacités d’apprentissages, il est donc non-négligeable de trouver des moyens pour savoir le gérer. En cela, les apports de cette discipline peuvent être fortement utiles pour l’orthophoniste face à des patients présentant des troubles du langage, qui subissent un stress accru face à diverses situations de communication.
(…)
Il est donc important de cerner la puissance du stress qui accompagne le trouble du langage et la manière dont il affecte les apprentissages. Cette double dimension du stress, comme parasite physiologique et entrave à l’apprentissage, est prise en considération en orthophonie mais il y a peu de travail spécifique dessus. Généralement, l’orthophoniste effectue un détournement d’attention, une autre manière d’aborder un exercice, dans le but de mieux l’intégrer mais n’effectue pas de travail de préparation physique et mentale spécifique à propos de ces situations.
Les exercices sophrologiques peuvent alors être un outil orthophonique complémentaire permettant de procurer une solution face aux situations communicationnelles stressantes. En effet, une étude de Fiorletta et al., (2013), avait été faite dans le but de connaître une méthode de relaxation efficace pour les patients qui présentaient des troubles musculo-squelettiques, enclenchés et entretenus par le stress. Cette recherche avait conclu que le niveau stress était significativement plus élevé dans le groupe témoin par rapport au groupe qui bénéficiait de séances de sophrologie (1 séance de 1h par semaine pendant 5 semaines). D’autre part, une étude de l’académie internationale de sophrologie caycédienne parue en 2015, a évalué le score d’anxiété et de moral de 66 participants, grâce à une échelle HAD et STAI-Y (hospital anxiety and depression scale et inventaire de l’état d’anxiété état-trait de Spielberg), avant et après une participation à un programme de sophrologie. Ce programme était constitué de 15 minutes de théorie et 45 minutes de pratique 3 fois par semaine durant 4 semaines, un groupe A de 35 personnes (dont le niveau d’anxiété était assez élevé) bénéficiait à la fois de la théorie et de la pratique et le groupe B (groupe témoin) ne bénéficiait que de la théorie. Les tests postérieurs ont montré une diminution statistiquement significative des scores d’anxiété dans le groupe A ainsi qu’une amélioration statistiquement significative du moral sur l’échelle STAI tant pour l’anxiété d’état que pour l’anxiété trait. Ces scores démontrent, après seulement 12 sessions de sophrologie, l’amélioration à la réponse personnelle au stress, particulièrement à la réponse à l’anxiété et/ou à la perception des situations vécues comme menaçantes ou dangereuses.
Concernant les capacités attentionnelles, une étude de 2018 effectuée par l’organisme de vente de véhicules Ford, en collaboration avec le King’s College de Londres et le partenaire tech UNIT9, désirait connaître les méthodes permettant d’améliorer la performance des pilotes professionnels lors d’une course. Pour cela, ils ont utilisé un casque EEG (électroencéphalogramme) et un simulateur de réalité virtuelle pendant et après des exercices de relaxation (respiration contrôlée) et de visualisation (créer des images mentales du circuit et de leur succès), techniques employées par d’autres athlètes professionnels. Ainsi, l’étude a comparé les capacités de concentration des pilotes professionnels face à un groupe témoin de pilote non-professionnel. Ces deux groupes étaient divisés en deux sous-groupes : l’un bénéficiait d’exercices de respiration et de visualisation des mots-clés du circuit d’une durée de 10 minutes avant une tâche importante (course dans le circuit) et l’autre sans exercice sophrologique. Les résultats dans le groupe contrôle (qui n’étaient pas l’objet principal de l’étude) ont été surprenants car ils démontrent une amélioration de leur performance et de leur concentration de 48 %.
Ces deux études démontrent que les méthodes de relaxation ont un effet positif sur le stress et les capacités de concentration, qui sont impliqués dans les processus d’apprentissage.
Le bégaiement
L’importance de la respiration
Le bon geste respiratoire est un point important en sophrologie, ainsi que dans certaines rééducations orthophoniques ; notamment dans le cadre des troubles de la voix et dans le bégaiement. Il influence directement l’utilisation de la voix.
L’importance de la respiration
Le bon geste respiratoire est un point important en sophrologie, ainsi que dans certaines rééducations orthophoniques ; notamment dans le cadre des troubles de la voix et dans le bégaiement. Il influence directement l’utilisation de la voix.
Le bégaiement
Le bégaiement constitue un trouble de la parole particulier car il cache une part importante de manifestations dites immergées : la peur, la honte, la frustration. Ainsi qu’une autre part qui est la partie dite émergée : ce sont les manifestations visibles comme les blocages respiratoires, les répétitions, les tensions du visage, du cou, les prolongations etc.
Étude de cas 1
B., une jeune collégienne consulte pour un bégaiement (sans antécédent dans sa famille), elle présente une respiration thoracique supérieure et une posture fermée, repliée. Les exercices sophrologiques ont ciblé un travail de relaxation afin de prendre conscience des tensions corporelles pour s’en détacher. Après 5 séances, elle se sentait plus investie dans sa prise en charge, a pris conscience de son appareil respiratoire, avec lequel elle dialogue ; cela a permis d’amorcer plus facilement un travail orthophonique technique sur son bégaiement.
Étude de cas 2
J. présente un bégaiement depuis sa petite enfance. Les séances d’orthophonie lui ont permis de compenser partiellement son trouble. Cependant, il rentre bientôt au collège et consulte à nouveau car il appréhende négativement les situations d’échanges et évoque des difficultés à gérer ses émotions. Il est réceptif aux séances de sophrologie qui lui sont proposées, des séances d’ancrage, de mouvements (geste juste, adapté), de perception du schéma corporel et de respiration, couplés à des exercices de production vocale. Après 6 séances, il ressent une réelle évolution, une grille d’évaluation de la sévérité du bégaiement lui avait été proposée au début des séances de sophrologie et à la fin. Cela a permis de constater une évolution globale positive: maintenant, il accepte son bégaiement, en parle avec ses enseignants, ses camarades, et affronte plus sereinement les situations négatives en identifiant les idées négatives, angoissantes et irrationnelles, en les modifiant positivement. Son bégaiement ne se manifeste plus qu’en grande période de fatigue ou de stress important, il a développé une communication efficiente et a trouvé des amis.
Dyslexie, dysorthographie, dysgraphie
Étude de cas 1
H. est en 6e, il présente une dyslexie, dysorthographie et une dysgraphie. Il est assez fermé, est quasiment mutique et son regard est fuyant. Les séances de sophrologie se sont centrées sur la conscience du corps, des mouvements et sur la relaxation. Après 7 séances de sophrologie, le patient est plus souriant, sa dysgraphie s’est améliorée (meilleure conscience de l’espace feuille), il est devenu plus dynamique au niveau scolaire (encouragements des professeurs) et plus engagé dans sa prise en charge orthophonique.
Étude de cas 2
D. est en 6e, il présente une dyslexie, dysorthographie, est réservé et a peu d’amis. La rééducation orthophonique lui procure beaucoup de stress, ce qui entrave les exercices que l’orthophoniste propose. Au terme de 6 séances de sophrologie, celui-ci apprend à mieux ressentir son corps, s’ouvre de plus en plus aux autres et s’investit de manière nouvelle dans la rééducation orthophonique, ce qui a renforcé l’alliance thérapeutique et qui l’a rendu plus acteur de sa rééducation.
Étude de cas 3
E. a 10 ans, elle est en CM2, c’est une jeune fille volontaire et dynamique qui présente une dyslexie-dysorthographie sévère qui, malgré ses efforts considérables, impacte énormément les apprentissages (notes scolaires basses) et la décourage. C’est sa seconde prise en charge orthophonique. Après quelques échanges, l’orthophoniste identifie qu’elle perd ses moyens (sensation de tête vide) devant les situations d’examen et d’évaluation car elle les anticipe négativement. Une dizaine de séances est proposée afin de modifier méliorativement cet état de pensée. Dans un premier temps, l’ancrage et la posture sont travaillés ainsi que la détente, la respiration et le mouvement qui y est lié. E. est réceptive et plus enthousiaste. Ensuite, l’orthophoniste sophrologue procure des exercices de visualisation, en proposant des gestes et des sensations vus en séance qu’elle devra retrouver. Elle s’entraîne assidûment à refaire ces exercices, cela lui apprend à aborder les situations de manière plus distanciée et sereine. Ses résultats scolaires s’améliorent et le temps qu’elle passe sur ses devoirs ou à apprendre une leçon a nettement diminué. Elle reprend confiance en elle et s’inscrit dans une dynamique plus sereine pour aborder le collège.
Trouble déficitaire de l’attention, avec ou sans hyperactivité (TDAH)
Étude de cas 1
F. est en CE2, il est diagnostiqué TDAH avec traitement médicamenteux (ritaline). Après 7 séances de sophrologie contenant des exercices ludiques, à durée courte sur le schéma corporel, la posture, la contraction/décontraction musculaire, le patient et l’entourage notent des améliorations : diminution des cauchemars et meilleur contrôle corporel, le patient affirme « Je calme mieux mon corps. Ma tête c’est le chef et mon corps l’a entendue ».
Étude de cas 2
W. a 5 ans et présente des troubles de l’attention importants (n’écoute pas les consignes, finit en retard ou ne termine pas son activité), son agitation motrice fait qu’il est souvent réprimandé pour ses maladresses et son impulsivité, ce qui lui donne peu confiance en lui. Des exercices sophrologiques simples, ludiques et courts lui sont proposés afin d’exprimer l’énergie de son corps et de le rendre plus disponible pour les activités suivantes. Les exercices sophrologiques, proposés ponctuellement dans les 30 séances orthophoniques qui ont suivi, sont axés sur une contraction/décontraction segmentaire du corps afin de prendre conscience des contractions multiples que W. génère en agitation mais aussi de la détente musculaire qu’il peut se procurer. Par ailleurs, l’orthophoniste peut lui faire prendre conscience du « rythme juste » en lui donnant une action à accomplir à différents rythmes (rapide ou en prêtant attention au mouvement qu’on fait) comme un dessin ou une construction et en constatant les résultats. Progressivement, son temps d’attention augmente (utilisation d’un chronomètre), il peut mener une activité à son terme (à l’école comme au quotidien) et se montre plus disponible pour les apprentissages, bien que les troubles attentionnels persistent.